TVA sociale ou CSG ? Deux taxes pour un même objectif



Fusionner l'impôt sur le revenu et la CSG entraîne l'abandon du quotient familial. | AFP/PHILIPPE HUGUEN
Ne plus faire reposer le financement de la protection sociale sur les seuls salaires, l'idée fait consensus entre le PS et l'UMP, mais il y a divergence sur la méthode.

Nicolas Sarkozy avait fait adopter, en févier 2012, un projet de TVA "sociale" : une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée payée sur les biens que chacun achète, en échange d'une baisse des cotisations sociales payées par les entreprises. Le PS, qui était opposé à cette mesure, l'a supprimée, mercredi 18 juillet, à l'Assemblée. Mais il évoque désormais, de plus en plus ouvertement, une hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) avec le même but : réduire les charges sociales acquittées par les entreprises.

L'UMP est vent debout contre l'abandon de "sa" TVA "sociale". Elle condamne ce qu'elle considère comme un mauvais choix. "Pourquoi avoir vilipendé cette mesure d'augmentation de la TVA (...), qui a l'avantage d'être répartie sur une très grande masse (...), pour concentrer cet effort uniquement sur la CSG, c'est-à-dire un nombre de Français moins important, qui sont pour l'essentiel des Français moyens ?", s'est ainsi interrogé François Fillon, mardi 17 juillet, sur France 2. Et d'ajouter : "L'avantage de la TVA, c'est que le téléviseur importé de Chine est concerné par cette TVA et permettrait donc de payer une partie des charges sociales des Français."

Cet argument est contesté par certains économistes. Rappel des deux logiques qui s'opposent.

1/ COMPÉTITIVITÉ ET DÉFICITS

Socialistes et UMP partent du même constat : la France a de plus en plus de mal à financer sa protection sociale, qui est assise sur les salaires. Ce sont les 22 millions de salariés, mais aussi leurs entreprises, qui financent, par leurs cotisations, les allocations familiales ainsi que les indemnités de chômage, les pensions de retraite et l'assurance maladie. Les deux partis estiment, avec nombre d'économistes, que le maintien du modèle social français passe par un élargissement de l'assiette de son financement.

D'où l'idée de transférer une partie des cotisations sur une autre source, dans un cas sur la consommation, en augmentant la TVA, dans l'autre sur les revenus, y compris ceux du capital, en augmentant la CSG. Ces hausses permettraient de diminuer les cotisations sociales payées par les entreprises. Ces dernières bénéficieraient donc d'une réduction de leurs coûts, qui les aiderait à mieux exporter, alors que le déficit commercial du pays bat des records à 70 milliards d'euros.

2/ LA TVA, UN DOUBLE RÔLE

Jusqu'ici, la logique est la même. Mais les avis divergent sur les modalités. L'UMP proposait de recourir à une hausse de TVA, rebaptisée "antidélocalisation". Le sénateur centriste de Mayenne, Jean Arthuis, promoteur depuis lontemps de cette mesure, reste convaincu qu'il faut aller dans ce sens. "En finançant la protection sociale sur les seuls salaires, on grève le coût du travail et on pénalise la compétitivité", rappelle-t-il.

Car la TVA "sociale" remplit une double fonction. Elle transfère en partie le financement de la protection sociale sur la consommation, mais elle a aussi un impact sur la balance commerciale : les entreprises françaises paient moins de charges et ont donc un prix hors taxe moindre, ce qui les aide à exporter. A l'inverse, les produits importés en France sont soumis à une TVA majorée, donc plus chers, ce qui diminue leur attractivité pour les consommateurs français et rend plus facile, pour un producteur de l'Hexagone, de proposer des prix équivalents. "C'est la seule dévaluation qu'on puisse encore se permettre", assure M. Artuis.

Défaut majeur de ce système : il ne fonctionne que si les entreprises jouent le jeu et ne profitent pas de la dimunition de leurs coûts pour augmenter leurs marges au lieu de baisser leurs prix hors taxe. Car, si les prix augmentent du fait de la hausse de TVA, on produit de l'inflation, qui vient en partie annuler le gain de compétitivité.

3/ LA CSG, PLUS EFFICACE DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE MOROSE ?

Eric Heyer, économiste à l'Office français des conjonctures économiques (OFCE), juge pour sa part que la TVA "sociale" était une bonne idée en 2007, lorsque le gouvernement Fillon a renoncé à la mettre en œuvre, mais ne l'est désormais plus, compte tenu de la conjoncture.

"Nous avons modélisé plusieurs hypothèses", explique-t-il. Le cas optimal est celui "où les entreprises jouent le jeu, et répercutent la baisse dans le prix hors taxe, et où les entreprises étrangères jouent aussi le jeu, et ne changent rien", ce qui permet l'effet désiré, meilleure compétivité des produits français et diminution des importations. Mais il y a aussi le cas où "les entreprises ne jouent pas le jeu et ne baissent pas leurs prix, ce qui augmente le prix TTC [toutes taxes comprises], donc n'a pas d'impact sur l'import". Enfin, un troisième cas est celui où "les entreprises française jouent le jeu, mais nos partenaires européens, non".

C'est ce troisième scénario que craint l'économiste. Les échanges commerciaux de la France se font à 70 % avec l'union européenne, à 50 % avec la zone euro. Or, explique M. Heyer, "les autres Etats de la zone euro ne vont pas se dire : 'Un des plus gros pays de la zone fait de la dévaluation compétitive et on va le laisser faire.' Ils seront tentés de faire la même chose", annulant de fait l'avantage pour la France, puisque leurs prix deviendront tout aussi compétitifs. Pour lui, la TVA "sociale" n'est donc pas une bonne idée en période de morosité économique.

Il lui préfère la CSG, qui a l'avantage d'être "un seul instrument avec un seul objectif : le financement de la protection sociale". L'intérêt de la CSG est de toucher tous les revenus, quelle que soit leur source : travail, retraites, indemnités de chômage, revenus et plus-values du capital. En outre, ajoute-t-il, la TVA "sociale" est à l'inverse de tout principe de solidarité européenne. "On a créé l'euro pour cesser de pratiquer la dévaluation compétitive entre pays européens", dit-il. Or, jouer sur la TVA n'est rien d'autre qu'une dévaluation compétitive.

4/ FAIRE LA FUSION DE L'IMPÔT SUR LE REVENU ET DE LA CSG

Jean Arthuis n'ignore pas l'argument, mais juge que le jeu en vaut la chandelle. "Même si les pays alentour le font, on aura au moins mis fin au scandale de ne faire contribuer que les salaires à la protection sociale", estime le sénateur, qui fut ministre de l'économie de 1995 à 1997. Pour lui, l'attirance de la gauche pour la CSG a une autre raison. "Si on transfère le financement de la protection sociale, on touche à la légitimité du système de cogestion paritaire par les partenaires sociaux mis en place à Libération", explique-t-il.

Le sénateur et l'économiste sont toutefois d'accord sur un point : si la gauche fait le choix de la CSG, il est dommage de ne pas opérer la fusion avec l'impôt sur le revenu. L'idée, issue des travaux des économistes Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Camille Landais, consistait à réformer en profondeur l'impôt sur le revenu en y intégrant la CSG, qui deviendrait de ce fait progressive – le taux augmente avec les revenus – alors qu'elle est aujourd'hui proportionnelle (même taux quel que soit le revenu). Cette réforme ambitieuse, qui aboutirait à un impôt unique, prélevé directement à la source comme la CSG, est complexe à mettre en place. M. Arthuis se dit prêt à la soutenir.

Pour le moment, le gouvernement évoque une "réflexion" en cours sur une hausse de CSG, tout en assurant qu'elle n'aura pas pour but de financer les déficits des comptes sociaux. Elle serait donc destinée à améliorer la compétitivité des entreprises. Mais, la situation des comptes publics étant ce qu'elle est, ironise M. Arthuis, peut-être faudra-t-il d'ici à quelques temps prévoir également une hausse de TVA.

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Mao surf biensur mais aussi batterie a ces temps perdus