La taxe sur les transactions financières bientôt sur les rails



La chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande le 15 mai 2012 à Berlin (AFP)
Les dirigeants français, allemands, italiens et espagnols sont tombés d'accord pour la mise en place de cette taxe, affirment Hollande et Merkel. De même, ils proposent d'attribuer 1% du budget européen à la relance économique.

La taxe sur les transactions financières verra bien le jour, mais pas à l’échelle européenne. Les dirigeants italien, français, allemand et espagnol se sont mis d’accord vendredi à Rome sur l’adoption de la taxe sur les transactions financières, qui ne pourra se faire qu’au niveau d’un petit nombre d’Etats, ont indiqué Angela Merkel et François Hollande. «Je suis ravie qu’ici, nous quatre nous soyons engagés pour la taxe sur les transactions financières, car les populations dans nos pays ont l’impression que la crise a commencé sur les marchés financiers et qu’ils n’ont pas contribué assez à la solution», a déclaré la chancelière allemande lors d’une conférence de presse, à l’issue du mini-sommet Italie-France-Allemagne-Espagne.

«Nous sommes ici d’accord sur cette taxe», a renchéri le président français. «Elle ne peut être envisagée que sous la forme d’une coopération renforcée et je ferai en sorte, avec mes partenaires, que le Conseil européen nous autorise à faire cette coopération renforcée» afin de la «mettre en place le plus rapidement possible», a ajouté Hollande.

A quelques centaines de kilomètres de là, à Luxembourg, les 27 ont constaté vendredi leur désaccord à ce sujet, ouvrant la voie à une initiative en ce sens d’un plus petit nombre d’entre eux, dont l’Allemagne et la France. «La taxe sur les transactions financières proposée par la Commission n’obtient pas, comme cela est requis, le soutien unanime des Etats», a constaté la ministre danoise des Finances, Margrethe Vestager, qui présidait la réunion. «Voilà où nous en sommes, et j’ai constaté qu’un nombre important de pays avaient exprimé leur soutien à une coopération renforcée sur ce sujet», a-t-elle ajouté.

Une coopération renforcée requiert la participation d’au moins neuf pays de l’UE, or seuls six ont exprimé sans ambiguïté vendredi leur intention d’aller de l’avant: l’Allemagne et la France, les principaux promoteurs d’une telle initiative, mais aussi l’Autriche, la Belgique, le Portugal et la Slovénie. D’autres, comme l’Espagne et la Grèce, ou encore la Slovaquie et l’Estonie, se sont dits «ouverts» à cette possibilité.

D’autres encore, qui avaient soutenu l’idée dans un premier temps, ont indiqué devoir encore réfléchir. Enfin, certains pays ont indiqué qu’ils ne souhaitaient pas y participer, comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Irlande.

Une taxe à préciser

Pour se décider, les pays encore hésitants «doivent savoir de quelle sorte de taxe sur les transactions financières il va s’agir», notamment si c’est la proposition de la Commission européenne qui est retenue ou une autre forme de taxe, éventuellement plus limitée dans son application, a relevé un diplomate au fait des discussions.

Le projet de la Commission prévoyait l’instauration d’une taxe sur les transactions financières au taux de 0,1% pour les actions et les obligations et de 0,01% sur les autres produits financiers, et qui aurait généré jusqu’à 57 milliards d’euros à l’échelle de l’UE.

Le constat de l’impossibilité pour l’ensemble des 27 de parvenir à un consensus est la première étape juridique permettant de passer ensuite à un processus de coopération renforcée. L’étape suivante doit prendre la forme d’une lettre adressée à la Commission européenne par les neuf Etats ou plus désirant y participer. La Commission doit ensuite vérifier si les conditions sont respectées. Puis les 27 doivent voter à la majorité qualifiée pour l’autoriser.

«Nous n’en sommes pas là», a résumé Margrethe Vestager en clôture des débats sur le sujet vendredi, indiquant que le dossier serait désormais entre les mains de la présidence chypriote de l’UE, qui commencera le 1er juillet.

Une taxe dans quel but ?

«La taxe sur les transactions financières a reçu de nombreux coups de canif aujourd’hui et elle saigne abondamment», a ironisé un diplomate européen. L’ONG Oxfam, favorable à une telle taxe, a exhorté vendredi les pays partisans de la taxe à aller de l’avant. Selon ses projections, une TTF uniquement appliquée à des pays représentant 90% du PIB de la zone euro pourrait dégager 40 milliards d’euros par an.

Pour l’ONG, le président français François Hollande doit «rappeler que la taxe sur les transactions financière doit contribuer avant tout à la lutte contre la pauvreté et le changement climatique» à l’occasion du prochain sommet européen, les 28 et 29 juin.

Mais la question de l’affectation des recettes d’une telle taxe ne fait pas consensus pour l’instant. Elle pourrait par exemple aller aux budgets nationaux. La réticence de certains pays européens à participer au projet vient d’ailleurs aussi du fait qu’«on a l’impression que cette taxe est plus une fin en soi qu’un moyen», a souligné vendredi un diplomate à Luxembourg.

120 milliards pour la croissance

Dans le même temps, les dirigeants italien, français, allemand et espagnol se sont mis d’accord pour proposer de mobiliser 1% du PIB européen en faveur de la croissance, leur «premier objectif» pour permettre à une zone euro plombée par l’austérité de sortir de la crise. Ils ont toutefois souligné que la relance de la croissance ne se ferait pas au détriment de la discipline budgétaire lors de ce mini-sommet, destiné à préparer le sommet européen crucial des 28 et 29 juin.

«Le premier objectif sur lequel nous sommes d’accord est la relance de la croissance, des investissements et de la création d’emploi que cela soit à travers des réformes structurelles au niveau national» ou «un nouvel agenda au niveau européen», a déclaré le chef du gouvernement italien Mario Monti lors d’une conférence de presse. François Hollande a indiqué de son côté que les dirigeants des quatre principales économies de la zone euro s'étaient mis d’accord pour mobiliser «1% du PIB européen, c’est-à-dire de 120 à 130 milliards d’euros, en faveur de la croissance». Aussitôt après, la chancelière allemande a confirmé cet objectif commun, y voyant «un signal important».

Ce montant, provenant du renforcement de la Banque européenne d’investissement, des project-bonds (emprunts en commun pour financer des infrastructures) et des fonds européens encore inutilisés, avait déjà été évoqué par François Hollande dans la «feuille de route» adressée la semaine dernière au président de l’UE, Herman Van Rompuy.

Pas de transfert de souveraineté sans solidarité

Selon Mario Monti, les dirigeants présents à Rome sont tombés d’accord «pour souligner que ce qui a été fait jusqu'à présent n’a pas été suffisant». Mais «la croissance ne peut pas avoir une base solide sinon dans la discipline budgétaire», a-t-il tenu à préciser. «L’euro est là pour rester, on y tient tous», a encore déclaré Mario Monti, ajoutant qu’il fallait donner aux marchés et aux citoyens européens la perspective de «l’irréversibilité de ce grand projet qui a réussi jusqu'à présent et qui s’appelle l’euro».

«Il faut pas moins d’Europe mais plus d’Europe», a renchéri Angela Merkel, appelant à «donner un signal et nous rapprocher dans une union politique». «Les quatre pays sont d’accord là-dessus», a-t-elle assuré. François Hollande a toutefois posé ses conditions en affirmant qu’il n’y aurait pas de «transfert de souveraineté» à l’UE s’il n’y a pas «d’amélioration de solidarité».

(AFP)

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Mao surf biensur mais aussi batterie a ces temps perdus