Pôle emploi est inefficace, selon la Cour des comptes
L'accompagnement des chômeurs est insuffisant pour les magistrats. L'opérateur est aussi accusé de trop délaisser la prospection des entreprises.
Alors que la baisse du chômage se fait toujours attendre, c'est un nouveau coup sur la tête pour le service public de l'emploi. Dans un projet de rapport arrêté en mai, dévoilé par « Le Parisien " mercredi, consulté par « Les Echos " et dont la version finale doit être publiée ce jeudi, la Cour des comptes critique sévèrement Pôle emploi, accusé de ne plus remplir ses missions et objectifs.
Le constat chiffré est de fait éloquent pour l'organisme issu de la fusion fin 2008 de l'ANPE et des Assedic. Les économies d'échelles visaient à générer plus de réactivité et d'efficacité ? Le taux mensuel de retour à l'emploi est depuis retombé de 5,3 % à 3,8 %. Et l'organisme ne serait, insistent les sages de la rue Cambon, « à l'origine directe de la reprise d'emploi que dans 12,6 % des cas. » En cause notamment, le manque d'offres d'emploi collectées : il a chuté de 3,6 millions en 2007 à 2,5 millions l'an passé, souligne le rapport.
Bien sûr, la crise, avec ces embauches au point mort et son flot mensuel de nouveaux chômeurs à gérer pour des conseillers forcément débordés, est un facteur explicatif qu'il serait absurde de nier. Mais selon la Cour des comptes, Pôle emploi ne saurait pour autant être dédouané de ses propres manquements. « Une mission d'intermédiaire entre offre et demande d'emploi qui n'est plus prioritaire ", « des coûts croissants », une « connaissance insuffisante des besoins » des chômeurs comme des employeurs, une « dispersion des moyens " : le rapport ne mâche pas ses mots pour critiquer la gestion de l'opérateur.
Sur le fond, la Cour « approuve pleinement " la stratégie mise en place par le directeur général Jean Bassères à son arrivée fin 2011 : en finir avec le suivi mensuel uniforme et généralisé pour passer à un suivi différencié concentrant les efforts sur les plus éloignés de l'emploi. Mais elle estime les résultats bien médiocres pour un organisme disposant de 53.000 agents et de 5 milliards d'euros de budget de fonctionnement : seuls 290.000 chômeurs bénéficiant début 2015 d'un accompagnement renforcé, et même l'objectif affiché de 460.000 en 2017 « reste encore très limité ». D'autant que « cela ne débouche finalement que sur un niveau de prestations peu différent de celui qui était antérieurement prévu pour la grande majorité des demandeurs ». Le constat est tout aussi sévère sur le suivi des autres chômeurs : Pôle emploi se bornerait à « leur donner uniquement les moyens de leur autonomie » (via l'essor notamment des interfaces web), avec une intervention « minimale " des conseillers.
Pôle emploi conteste
En cause, un manque d'« efficience " de l'organisation interne : trop accaparés à des tâches de gestion et de management, et frappé par un absentéisme très élevé, les conseillers ne consacreraient au final que 30 % de leur temps à l'accompagnement des chômeurs. Quant aux relations avec les entreprises, elle serait réduite au rang de « marges d'ajustement ». Conclusion, en forme de coup de grâce : « Un niveau de ressources aussi élevé ne serait pas justifié si l'opérateur devait évoluer vers un rôle d'appui à une faible minorité de demandeurs et d'entreprises ». La direction de Pôle emploi réfute fortement cette analyse. Elle juge le rapport « à charge » et souligne que sur les 18 indicateurs de performance définis avec l'Etat et l'Unédic dans la convention tripartite 2012-2014, « quatorze sont en hausse ", dont la satisfaction des usagers, chômeurs comme employeurs.
La Cour avance une batterie de recommandations, dont beaucoup, comme renforcer par redéploiement interne les effectifs au contact direct des chômeurs ou des entreprises et dématérialiser la gestion des allocations, sont en réalité déjà en cours de mise en oeuvre ou au programme des prochains semestres. Le rapport préconise aussi de réduire le nombre d'agences (1.050) pour réaliser des économies d'échelle, mais Pôle emploi rétorque que cela aurait en réalité un « coût très élevé à court terme " Alors que les partenaires sociaux doivent renégocier fin 2015-début 2016 la convention Unédic, la Cour leur recommande en outre d'« amplifier la simplification " des règles d'indemnisation.
En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/01/07/2015/lesechos.fr/021178328435_pole-emploi-est-inefficace--selon-la-cour-des-comptes.htm#WFQhOX0drHvt7X4W.99
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